J'en arrive au dernier billet de cette salve de critiques d'ouvrages récents de la pensée écologiste.
« La décroissance est-elle souhaitable ?» est un petit livre de quelque 140 pages commis par Stéphane Lavignotte. L'auteur est connu pour ses engagements au sein de la mouvance de l'écologie radicale.
Secrétaire des Verts Paris il y a une dizaine d'années, il a depuis quitté ce parti pour s'investir dans les associations, il est ainsi l'un des fondateurs de Vélorution, mais il s'est aussi intéressé à la dynamique de création du NPA, dont le repli sectaire l'a déçu assez vite. Journaliste, ancien élève du CFJ, Stéphane est aujourd'hui pasteur et directeur de la Maison verte, paroisse protestante et centre social, dans le 18e arrondissement de Paris.
L'ouvrage en question est très dense et décrypte, à partir des écrits originels de ses théoriciens, les thèses de la décroissance.
Remontant à la préhistoire de cette réflexion, Stéphane Lavignotte nous remémore les balbutiements de cette approche avec le rapport, dans les années 70, du MIT pour le Club de Rome, qui évoquait, pour la première fois la notion de « croissance zéro ».
Il s'appuie ensuite sur les travaux de Vincent Cheynet, de Paul Ariès, et de Serge Latouche, qui lancent le débat et remettent en cause au début des années 2000 le capitalisme vert. Un oxymore, comme l'écrit l'auteur. Nombre de tenants de la décroissance préfèrent aujourd'hui se définir comme « objecteurs de croissance », comme ils défendaient une « décroissance soutenable » il y a quelques années, à l'opposé du développement durable, avatar du capitalisme vert. Ils fustigent ainsi «cette écologie qui ignorerait les clivages sociaux, donc les choix politiques...»
Stéphane démonte une par une les idées reçues sur la décroissance (lire billet précédent à propos du livre d'Ariès sur Cohn-Bendit), idées reçues qui sont à la fois le fait des décroissants eux-mêmes que de leurs détracteurs. Ariès théorise ce décalage entre la pensée de la décroissance et son image dans la société en assumant qu'il est judicieux d'utiliser des « mots-obus », qui ont le mérite de mettre le débat sur la table.
Mais tout n'est pas rose au pays de la décroissance. Et le débat fait rage entre les pères fondateurs, alors que la démarche est débattue dans la sphère politique, aussi bien par les Verts ou le Parti de Gauche, la Fédération anarchiste et le NPA.
Dans les dernières pages, l'auteur initie des pistes de travail, proposant un mouvement de « composition politique », à l'heure de la re/dé-composition du paysage politique français. J'y retrouve (à tort) quelque influence de la pensée d'Edgar Morin à propos de la "complexité". A l'évidence, le livre de Stéphane Lavignotte est la meilleure synthèse du moment sur la décroissance. D'une très bonne tenue intellectuelle, il permet de faire le point, évite les raccourcis hâtifs et relance même la discussion. Un boulot salutaire.
La décroissance est-elle souhaitable?
Stéphane Lavignotte
Editions Textuel • 138 pages • 9, 90 euros
Social, économie sociale et solidaire