Une vingtaine d'associations nationales, dont RéCIT (Réseau des écoles de citoyens), Action Consommation, la Vie nouvelle et la FNFR lancent un appel à soutenir les associations contre le gouvernement qui cherche à les asphyxier, tant financièrement que sur le plan des libertés.
Une circulaire du Premier Ministre, signée le 18 janvier 2010, prétend « clarifier et sécuriser le cadre juridique des relations financières entre pouvoirs publics et associations ». Elle réaffirme la liberté d’association comme un droit fondamental inscrit dans la déclaration des Droits de l'Homme. Mais elle impose aussi aux associations et aux collectivités des conditions si restrictives que, dans la pratique, elle remet en cause ce droit fondamental.
De nouvelles formes de mobilisation sont aujourd’hui nécessaires
La négociation qui a conduit à la circulaire du 18 janvier 2010 a été menée par les instances représentatives des associations. Nous regrettons qu’elles n’aient pas été entendues malgré plusieurs mois de négociations. D’autres formes de mobilisation et d’action sont aujourd’hui nécessaires face à un texte inacceptable et inapplicable, qui soumet l'ensemble des associations au bon vouloir du prince....
C’est
pourquoi les citoyens, les associations et les collectivités
signataires appellent tous ceux et celles qui sont attachés à une
action associative au service du bien commun1 (citoyenneté,
coopération, lien social, pratiques culturelles, éducation des
jeunes,…) à refuser ce texte inacceptable, à en faire largement
connaître les risques pour les libertés associatives, à agir
ensemble pour construire des propositions, les faire valoir au sein
des instances représentatives des associations, des Pouvoirs publics
et de l’Union européenne
Ils appellent en particulier les
collectivités à refuser l'application de cette politique et à
mettre en place des politiques de soutien à l’engagement bénévole
et aux projets associatifs porteurs de solidarité, de coopération,
et de participation citoyenne, à se déclarer «hors Directive
Services ».
Une atteinte grave à la liberté d'association
Le principe de la liberté d'association est inscrit dans la déclaration des Droits de l'Homme et repris par toutes nos Constitutions successives. Il donne liberté aux citoyens pour s'associer librement et prendre des initiatives. Au-delà de modalités inapplicables, cette circulaire pose un problème de principe : elle revient sur une liberté fondamentale en inversant la charge de la preuve. « Les associations peuvent être aidées (…) dans le cadre d'une délégation de service public, d'une convention et d'un calcul au plus juste du montant de l'aide en termes de distorsions de concurrence » . Cela est inacceptable au regard de la libre administration des collectivités et de l’apport essentiel des associations. Des associations qui, partout en France, cherchent à promouvoir la citoyenneté, la coopération, le lien social, à développer les pratiques culturelles, à contribuer à l'éducation des jeunes, etc.
Une circulaire inacceptable et déconnectée des réalités
1 Toute action associative est assimilée à une activité économique.
L'objectif principal de cette circulaire est de redéfinir les modalités de financement des associations au regard de la réglementation européenne relative aux aides de l'État. En clair, il s'agit de transposer le droit européen dans le droit français, avec un syllogisme imparable : « La réglementation dite des « aides d'État » s'applique à toute « entreprise » recevant un financement public dès lors qu'elles exercent une activité « économique » d'intérêt général. « Dans la pratique la grande majorité des activités exercées par des associations peuvent être considérée comme des activités économiques » . Dès lors qu'on accepte ce syllogisme, les associations deviennent toutes des entreprises relevant de la concurrence libre et non faussée. Par exemple, de nombreuses associations travaillent au soutien scolaire. Dès lors qu'une entreprise privée se crée pour vendre du soutien scolaire, celui-ci devient un marché et les subventions au soutien scolaire deviennent impossibles.
2 L’Union européenne n’oblige en rien le gouvernement français à classer l'ensemble des activités associatives comme des services économiques d'intérêt général.
Le
choix gouvernemental est idéologique. Il repose sur un a
priori : tout doit devenir marché, tout doit être marchandise.
Il traduit l’absence de toute considération pour l’action des
citoyens.
Cette politique méconnaît le travail des centaines de
milliers d'associations qui oeuvrent pour le bien commun en
s'appuyant principalement sur le travail bénévole. Elle méconnaît
aussi le travail accompli depuis des décennies par d’autres
associations qui certes ont une activité économique, mais dont les
recettes servent à financer des actions porteuses d'éducation
citoyenne, de solidarité, et plus récemment de transformation des
modes de vie et de consommation. Cette politique n’est pas au
service des usagers ni des citoyens. Elle vise à dégager de
nouveaux champs de profit. Elle répond à la pression des opérateurs
privés pour qui ces activités sont un marché important. C’est
toute l’économie sociale et solidaire, dont se réclame le
mouvement associatif, qui est contestée.
3 A partir de 66 000 euros par an, les subventions aux associations ne sont autorisées que dans le cadre de la "compensation d'obligations de service public"
«
Les concours financiers versés sous forme de subventions à une
association exerçant une activité économique d'intérêt général
ne sont pas qualifiés d'aides d'État et ne sont soumis à aucune
exigence particulière dès lors qu'il demeure inférieur à 200 000
euros sur 3 ans ». Ce seuil est apprécié toutes aides
publiques confondues, en intégrant les facilités accordées à
titre gratuit par les collectivités publiques (mise à
disposition de locaux, de personnel et de matériel). Au-delà, ils
ne sont acceptables que s'ils sont regardés comme la compensation
d'obligations de service public ». Pour cela, il faut que
l'association soit « explicitement chargée, par un mandat
d'intérêt général d'exécuter des obligations de service public
clairement définies dans leur consistance, leur durée et leur
étendue. La compensation financière, calculée sur une base
préalablement établie, est strictement proportionnée au coût
occasionné par l'exécution des obligations de service public
assuré. Elle est périodiquement contrôlée et évaluée pour
éviter la surcompensation ».
Le principe de la subvention
n'est pas formellement remis en cause, mais celle-ci est tellement
encadrée qu'elle devient exceptionnelle. Et surtout on observe un
glissement sémantique de « subvention » à
« compensation ». Ce texte traduit une tutelle de plus
en plus pesante de l'Union européenne et de l’État sur les
associations et sur la libre administration des collectivités
territoriales, comme avec la réforme des Collectivités.
4 Des conditions de réalisation des actions très restrictives et irréalisables
« Le budget prévisionnel de l'action peut être modifié à la hausse et à la baisse dans la limite d'un pourcentage, à condition que cela n'affecte pas la réalisation du programme de l'action. L'association doit notifier ces modifications par écrit dès lors qu'elle peut les évaluer et avant le 1er juillet d'année en cours. Les retards dans l'exécution de la convention, pour une raison quelconque, doivent être signifié à l'administration par lettre recommandée avec accusé de réception. L'association doit fournir trois mois avant le terme de la convention un bilan d'ensemble qualitatif et quantitatif de la mise en oeuvre du programme d'action. L'administration procède conjointement avec l'association à l’évaluation des conditions de réalisation du programme. ».
Autant de conditions restrictives et irréalistes! L'administration et les collectivités ne décident que très tard dans l'année du montant de leurs subventions. Compte tenu de la réduction des effectifs des services de l'administration, celle-ci n'a plus les moyens aujourd'hui de procéder à un examen au cas par cas les conditions de réalisation de chacune des actions subventionnées. Ainsi, la circulaire fixe aux associations des obligations impossibles à satisfaire par celles-ci, mais aussi par les pouvoirs publics eux-mêmes. Elle met par définition les associations « à la faute ».
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