Voici un texte que j'ai rédigé à l'occasion de la préparation du Forum européen de l'ESS organisé le 9 novembre par le groupe parlementaire de la GUE. La consigne qui m'avait été fixée était de présenter les régies en peu de signes aux acteurs de l'économie sociale et solidaire des autres pays...
Les régies de quartier ont émergé au cœur des annés 1970, dans le Nord de la France, à Roubaix, à l'initiative d'habitantes et d'habitants, soucieux d'être impliqués dans la transformation urbaine de leur quartier populaire décrétée sans consultation par les autorités.
Déterminés à participer activement au réaménagement urbain du quartier, des militants de tradition ouvrière et chrétienne, accompagnés par des sociologues, des architectes et des urbanistes créent en 1974 l’Atelier populaire d’urbanisme « qui joue le rôle d’un véritable espace public, à la fois de mobilisation, de revendication et de contestation, mais aussi d’échanges sur des formes alternatives d’aménagement permettant le maintien sur place des habitants et le relogement de ceux qui le désirent ».
De cet aménagement urbain émergeront de nouvelles questions portant à la fois sur la gestion des logements et des espaces publics et sur la réinsertion ou l’insertion économique des habitants. Questions dont s’emparent à nouveau habitants et associations et dont une des réponses conduira à la création de la première Régie de quartier en 1980.
La Régie occupera progressivement la fonction d’intermédiaire, instituant « des pratiques de cogestion de l’espace public du quartier, pratiques qui impliquent une animation interinstitutionnelle entre habitants, élus et bailleurs ».
L'émergence d'un projet alternatif issu d'un mouvement social local.
Un projet de développement urbain
Les Régies portent sur des territoires en difficulté un projet original, entre insertion par l’activité économique, éducation populaire et économie solidaire. C’est un projet partagé par un ensemble d’acteurs qui interviennent sur la gestion urbaine d’un espace géographique et social. En se parlant, en se reconnaissant, en construisant ensemble des réponses aux dysfonctionnements constatés, les habitants, les collectivités locales, les bailleurs, les associations, les entreprises… apportent au projet de Régie de Quartier son utilité et sa légitimité.
Un projet citoyen
L’implication des habitants est au cœur du dispositif : ils sont usagers des services rendus, bénéficiaires des emplois offerts et acteurs de la mobilisation démocratique dans la vie associative.
Les prestations techniques des Régies, qu’il s’agisse de maintenir, d’entretenir ou d’embellir le territoire, se traduisent par une activité économique qui favorise l’insertion sociale et professionnelle des habitants. Ces prestations sont également le support d’une démarche de médiation et de sensibilisation qui poursuit une mission sociale : améliorer les relations humaines, inventer des modes de gestion urbaine partagée, construire une citoyenneté active sur le territoire de la Régie et tisser le lien social.
Depuis quelques années, à la demande de plusieurs collectivités territoriales, le projet Régie de Quartier se décline en milieu rural avec les Régies de Territoire, sans pour autant s’éloigner du principe d’implication et de participation des habitants et des acteurs locaux.
Les régies de quartier se sont inscrites dans les dispositifs de Politique de la Ville, pouvant bénéficier ainsi des aides publiques à l'insertion professionnelle. Elles conservent toutefois les pratiques liées à leurs valeurs fondamentales :
• L'inscription dans un territoire. Les salariés en insertion sont tous des habitants du territoire sur lequel toutes les activités vont avoir lieu : entretien de parties communes et d'espaces verts, ramassage d'encombrants, services à la personne...
• Une gouvernance démocratique « hybride » associant habitants (dont le collège doit être majoritaire au conseil d'administration), acteurs associatifs locaux, entreprises locales, bailleurs sociaux et élus locaux. Ces derniers ne sont pas appelés à être membres du bureau.
• La formation professionnelle. Les salariés sont amenés, au cours de leur période d'insertion, qui doit se limiter à deux ans, à acquérir des compétences professionnelles liées à un métier, alors que la plupart sont dans une situation très élognée de l'emploi.
• Le lien social. En parallèle de leur activité économique, les régies de quartier sont à l'initiative (ou en appui) d'activités de lien social entre habitants favorisant les solidarités et le bien vivre ensemblke : vide-greniers, repas de quartier, jardins partagés, café associatif...
Les régies de quartier sont généralement gérées sous forme associative, quelques unes se sont récemment transformées en SCIC. Elles se sont regroupées au sein d'un réseau national, le Comité national de réseau des régies de quartier, qui est seul habilité à labelliser une association en tant que régie de quartier. Elles se sont en parallèle organisées en branche professionnelle, créé un syndicat employeur spécifique, le SERQ et fondé « Passages », organisme de formation professionnelle.
L'enjeu des régies de quartier est de développer un projet politique social et environnental porté par les citoyen.ne.s habitant un territoire, en coopération avec les pouvoirs publics. Il s'agit de démontrer, dans l'expérimentation concrète, que les habitants des quartiers populaires sont les mleux placés pour prendre en main leur destin, en,s'appuyant sur leurs combats contre les inégalités.
Les régies en quelques chiffres
Les 140 Régies de Quartier et de Territoire emploient 8 000 salariés chaque année. Parmi les acteurs des Régies, on compte 2 000 bénévoles, 150 collectivités locales, 340 bailleurs sociaux. Ensemble, les Régies couvrent 320 quartiers prioritaires où vivent plus de 3 millions d’habitants – L’activité économique des Régies repose principalement sur 800 marchés publics contractualisés, dont la moitié de marchés adaptés. Elles génèrent près de 100 millions d’euros de chiffre d’affaires, leur autofinancement variant de 50 à 75%.
Social, économie sociale et solidaire