Tribune publiée dans l'Humanité.
Non content de casser les droits élémentaires des salariés, le gouvernement Macron s’en prend maintenant à l’une des mesures phares de la loi sur l’économie sociale et solidaire, dite loi Hamon, votée en juillet 2014. Sous la pression du Medef, Carole Delga, secrétaire d’État au Commerce, à l’Artisanat et à l’ESS, a en effet annoncé qu’elle déposerait, dans le cadre du projet de loi Macron, un amendement remettant profondément en cause les conditions d’exercice du droit d’information des salariés en cas de cession de leur entreprise. Ainsi, au cas où ce droit n’aurait pas été respecté, la vente ne serait pas annulée, mais une simple « contravention » serait infligée au fautif, ce qui ne ferait qu’alourdir quelque peu le coût de la reprise. Une fois de plus, le patronat a gagné.
Si d’aucuns hésitaient encore à penser que le triumvirat Hollande-Valls-Macron mettrait en œuvre une véritable politique de droite, le doute ne leur est plus permis ! Il n’y a décidément plus rien à attendre de ces gens du gouvernement. Eux ont choisi leur camp.
Après la défaite sans appel du Parti socialiste aux élections départementales, faudra-t-il que celle-ci soit confirmée lors des régionales, en décembre prochain, puis à la présidentielle de 2017, pour se mettre tous ensemble à la lourde tâche de bâtir, avec toutes les forces disponibles, organisations politiques et sociales, mais aussi et surtout les citoyens, une alternative au libéralisme et au productivisme ? Des alliances se dessinent aujourd’hui à gauche du PS, composées de forces issues du Front de gauche (PCF, PG, Ensemble), d’EELV, de Nouvelle Donne et de nombreux citoyens qui aspirent un à véritable changement. Mais il ne s’agit que d’un frémissement. Sans un mouvement social puissant, il n’y aura pas le rapport de forces dans la société qui permettra de changer la donne. Gageons que, le 9 avril, journée nationale intersyndicale de résistance à la loi Macron, donne le ton d’une remobilisation salutaire....
... Il nous incombe, à nous, actrices et acteurs de l’économie sociale et solidaire, partisans d’une transformation radicale de la société, de faire converger tous les porteurs d’alternatives concrètes ici et maintenant. Engageons-nous, comme nous le suggèrent nos amis de l’association AP2E, dans la création de comités de vigilance sur tous les territoires de l’Hexagone, dans le but de soutenir tous les projets potentiels de reprise par les salariés de leur entreprise en coopérative. Ne laissons pas les entreprises en bas de chez nous péricliter, fermer leurs portes pour cause de délocalisation ou faute de repreneur capitaliste. Les luttes de ces dernières années, comme celle des Fralib, devenus la Scop TI, ou des ex-Pilpa, créateurs de la Fabrique du Sud, ont démontré que David pouvait parfois gagner contre Goliath.
Investissons-nous au sein de nos banques coopératives et de nos mutuelles, pour leur redonner un souffle démocratique et une véritable fonction d’alternative au tout pouvoir de la finance. Mobilisons-nous dans la campagne Climat, dans le cadre d’Alternatiba, qui développe des Villages des alternatives dans toute la France en vue du sommet COP 21 qui se tiendra en novembre à Paris. Engageons nos associations citoyennes et d’éducation populaire dans la résistance aux attaques incessantes du gouvernement et de l’Union européenne, empressés de les mettre à genoux si elles refusent d’assigner à leurs activités rentabilité et marchandisation. Politisons tous les débats qui traversent les composantes de l’économie sociale et solidaire, et faisons de la démocratie et de la citoyenneté les axes majeurs de nos combats de tous les jours.
C’est à ce prix que nos concitoyen-ne-s, souvent déprimés et touchés de plein fouet par les politiques austéritaires, retrouveront le goût de l’espoir d’un autre monde.
Soyons, dans nos structures, exemplaires dans nos pratiques : implication de nos adhérent-e-s et sociétaires dans les décisions, non-lucrativité, intérêt général, réduction des écarts de salaires… Marchons sur nos deux jambes, l’une portant le combat pour une alternative politique, l’autre la construction d’alternatives concrètes.
Par François Longérinas, journaliste, président de la Scop EMI-CFD.
Social, économie sociale et solidaire