Au cours d'une discussion lors du meeting de dimanche dernier au Palais des congrès, Corinne Morel Darleux et moi-même apprenons, par des amis des Alternatifs, que les salariés de l'usine Philips de Dreux ont décidé de reprendre la fabrication de télévisions.
Nous décidons de mobiliser dans nos réseaux et, plus particulièrement au sein du Parti de gauche. Claude Debons, son secrétaire national chargé du social suit l'affaire depuis plusieurs mois. Le secrétariat national est convaincu de mettre nos forces dans la solidarité avec les salariés de Dreux. Communiqué de presse, contact avec les gens du coin, article dans le journal du PG... la machine est lancée...
La lutte des Philips, avec la mise en place d'un contrôle ouvrier, remet sur le devant de la scène la pertinence de la socialisation de l'économie. La reprise en SCOP (sociétés coopératives de production) apparaît notamment comme l'une des solutions pour les travailleuses et les travailleurs de faire face à la crise.
Nous ne prétendons pas que la seule généralisation des projets de ce type suffirait à contrer les égarements de la mondialisation libérale, mais les expérimentations mettent en évidence les capacités des salariés à gérer démocratiquement leurs entreprises, démontrant, souvent à une échelle modeste, qu'un autre mode de production et d'organisation du travail est possible, ici et maintenant.
Et cela ne date pas d'hier. Si l'on a facilement en tête les luttes autogestionnaires de l'après 68, on se rappelle moins que le mouvement coopératif puise ses sources à la fin du 19e siècle. La première SCOP sera la Verrerie ouvrière d'Albi, fondée en 1896 par les ouvriers en grève, avec le soutien actif du député local, un certain Jean Jaurès. Mais la gauche négligera longtemps la démarche autogestionnaire, supposée détourner les travailleurs du combat central contre le capital. Plus tard, les républicains espagnols, sous l'influence des courants libertaires, raviveront la flamme dans un contexte de guerre civile et de révolution sociale imbriquées.
Face à une crise écologique et sociale sans précédent, les initiatives pour une économie sociale et solidaire viennent accompagner les grands combats que nous menons pour une société d'émancipation. « On fabrique, on vend, on se paie » disaient les LIP en 1973, adressant aux travailleurs du monde entier un message d'espoir et de combativité.
Aujourd'hui des dizaines d'entreprises sont reprises par leurs salariés chaque année, montrant par l'exemple, les capacités des travailleurs à prendre leur destin en main.
Ces expériences ont la vertu d'installer la valeur de notre projet humain de libération au cœur de l'appareil de production, déniant aux seuls actionnaires le droit de faire la pluie et le beau temps dans l'entreprise, pour le profit de quelques-uns. Dans les SCOP, une personne égale une voix, quelle que soit sa part de capital. Les bénéfices sont principalement destinés à constituer des réserves et à financer les investissements et non à rémunérer les actionnaires, qu'on appelle ici des « sociétaires ». Les parts sociales (l'équivalent des actions dans les sociétés capitalistes) ne changent pas de valeur en fonction de l'état de santé de l'entreprise, ce qui rend impossible toute spéculation financière. Les écarts de salaires sont serrés, en moyenne de 1 à 3, à l'échelle nationale. Toutes ces dispositions en font des entreprises humaines et durables, dont la transmission se fait de génération en génération, entre salariés.
Les coopératives sont des exemples concrets de démocratie économique, les travailleurs décidant eux-mêmes de l'organisation du travail, faisant vivre, par l'autogestion, une citoyenneté sociale poussée au maximum. Le nouveau statut de SCIC (société coopérative d'intérêt collectif), créé en 2002, incite les collectivités publiques et les citoyens, les consommateurs, le public... à en devenir sociétaires, devenant partenaires et acteurs du projet de l'entreprise.
La démarche coopérative, parce qu'elle procède d'une conscience du bien commun, facilite les coopération entre public et privé. Dans le secteur de l'énergie, par exemple, la distribution doit nécessairement être sous la coupe d'un service public fort et décisionnel, alors que la production peut être confiée à des entreprises privées, pour peu qu'elles respectent des clauses sociales et environnementales. Ce qui est le cas de la jeune Enercoop.
Il est récent que le mouvement des SCOP aborde en son sein la question de l'utilité sociale et de la finalité de la production: que dire d'une coopérative qui produirait du nucléaire ou de l'armement, ou plus classiquement générerait des déchets toxiques? Il ne faudra pas oublier de parler reconversion écologique de la production avec les Philips qui produisent des écrana plasma réputés très énergivores...Ce débat est récent dans cette mouvance de tradition productiviste. Il se pose sur la question environnemantale, mais également en termes de viabilité économique, lorsque les matières premières arriveront à épuisement.
Enfin
les coopératives sont de bons outils de relocalisation de
l'économie. C'est en ce sens que le PG défend, dans le cadre de la
campagne « Ensemble pour des régions à gauche... » la
mise en place de soutiens financiers par les conseils régionaux à
la création de SCOP, comme c'est déjà le cas en Ile-de-France.
Les coopératives sont pour le moins des laboratoires exceptionnels de démocratie sociale, où se joue la mise en œuvre d'une autre manière de gérer, mais aussi dans lesquels la finalité même de la production est en débat. A nous, partout où nous sommes présents, d'être des traits d'union entre les projets autogestionnaires et les luttes contre les licenciements et la casse sociale.
Des défis que le PG se doit de relever. Parce que nous sommes écologistes. Parce que nous sommes socialistes. Parce que nous sommes républicains.
Voilà l'essentiel d'un article co-rédigé par Corinne Morel Darleux et moi-même
des évènements de même nature, dans le jura : http://www.leprogres.fr/fr/region/le-jura/jura/article/2553886,181/FCI-en-liquidation-les-salaries-veulent-reprendre-l-entreprise.html
Rédigé par : matthias | 12 janvier 2010 à 21:02