Bernard Dréano, président de l'Assemblée européenne des citoyens (AEC), a publié dans Bastamag, excellent site d'informations "sur les luttes environnementales et sociales" l'article qui suit à propos de la crise iranienne. La lecture et la diffusion de cette analyse de l'un des meilleurs connaisseurs de la situation internationale, de surcroît altermondialiste et écologiste, m' a paru nécessaire et salutaire.
A l’heure ou ces lignes sont écrites les manifestions de l’opposition se poursuivent en Iran, malgré le black out et une répression croissante. L’issue de cette crise est essentielle non seulement pour les iraniens eux même mais aussi sur le plan régional et mondial. Voici pourquoi.
Tous les observateurs avaient souligné la dynamique qu’avait suscitée la candidature de Mir-Hossein Moussavi, principal opposant au président de la République sortant Mahmoud Ahmadinejad. Personne n’avait prévu cependant une telle mobilisation pour contester le résultat officiel du scrutin. Et pourtant… Rappelons d’abord que le régime des mollahs en Iran n’est pas une simple dictature organisée autour d’un homme et d’un bloc au pouvoir comme le sont les régimes tunisien, égyptien, ou ouzbèk, pour parler de pays voisins.
Un régime théocratique complexe
Il s’agit d’un système de double pouvoir. D’une part, un pouvoir religieux (la République islamique est donc de ce fait ce qu’on appelle une théocratie), dominé par une « Assemblée des experts » composée de 86 dignitaires religieux élus par le peuple pour huit ans, mais dont les candidats sont sélectionnés par un « Conseil des gardiens » (composé de douze membres dont six dignitaires plus dignitaires que les autres). Cette assemblée élit le « Guide suprême », le plus haut dirigeant du pays, poste crée pour le fondateur du régime Rouhollah Khomeini et occupé aujourd’hui par Ali Khamenei. Le guide est « Velayat-e faqih », c’est-à-dire arbitre religieux suprême, il est assisté d’un « Conseil du discernement » (toujours des dignitaires plus dignitaires que les autres : les six gardiens, des autorités « civiles » dont le Président de la république et des membres nommés…par le guide).
D’autre part, à coté de ce pouvoir religieux existe un pouvoir « civil », avec le Président de la république, élu au suffrage universel, les ministres, les députés, les élus des collectivités locales, la justice... Civil ? Les candidats à la présidence et de la république mais aussi les autres candidats aux autres postes éligibles ou les directeurs administratifs sont « sélectionnés » par le pouvoir religieux (le Conseil des gardiens). C’était le cas cette foi-ci encore, des quatre candidats agrées comme suffisamment « islamiques » pour être « aptes à concourir » à cette présidentielle.
Les opposants au régime islamique n’ont donc pas voix au chapitre. Ce qui ne signifie pas que les partisans du régime (y compris les religieux) soient tous sur la même position. On distingue (grossièrement) trois tendances. Celle des « radicaux-conservateurs », représentés par le président sortant Ahmedinejad, est ostensiblement soutenue par le Guide suprême Khamenei et majoritaire dans les instances islamiques. La tendance « pragmatique », incarnée par l’ancien président Hachemi Rafsandjani, n’est pas sans influence puisque son leader est président de l’Assemblée des experts. Enfin, les « réformateurs », minoritaires, incarnés par l’ancien président Mohammad Khatami.
Qui soutien Ahmadinajad et les « radicaux conservateurs » ?
Pour comprendre le poids des « radicaux conservateurs », il faut revenir sur l’histoire de l’Iran depuis la révolution islamique de 1979. Le puissant mouvement populaire et révolutionnaire qui a renversé le régime pro-américain du Shah était composite et divers. Il comprenait des libéraux démocrates, des nationalistes iraniens, des nationalistes des minorités ethniques (Kurdes), des communistes orthodoxes, des marxistes-révolutionnaires, des islamo-révolutionnaires (les Moudjahidines du peuple), et surtout des mouvements islamistes chiites de diverses sensibilités. Khomeiny a réussi dans un premier temps à fédérer le tout puis à éliminer toutes les tendances laïques, libérales, communistes, révolutionnaires. La domination des islamistes radicaux a été facilitée par l’exigence d’unité nationale provoquée par l’agression irakienne de novembre 1980 (avec le soutien de l’Occident en particulier des Etats-Unis et de la France), début de la longue guerre Iran-Irak (1980-1987). La Révolution n’est dès lors pas seulement...
Social, économie sociale et solidaire