Fin août 1944, Francisque Gay,
délégué du Secrétaire général
à l’Information, convoque
les ouvriers du Livre
pour leur annoncer les intentions
du gouvernement provisoire
à leur égard.
La plupart des journalistes collaborateurs
seront, eux, inquiétés, certains fusillés
et d'autres condamnés à des années de prison.
Les « fabricants »,
qui s’attendent à être embastillés,
sont non seulement
blanchis d’avoir participé
à la production
d’une presse délatrice
et collaborationniste...
... ils sont exhortés à retrousser leurs manches pour corriger,
fabriquer et imprimer la presse de la Libération. Bon nombre d’entre
eux, pacifistes convaincus, ont fermé les yeux, en « bons techniciens », sur le contenu des journaux qu’ils ont réalisés pendant cinq ans.
Cette scène incarne la réconciliation nationale mise en œuvre
par De Gaulle, à travers le prisme de ce deal entre les nouveaux patrons de presse issus de
la Résistance et les ouvriers du Livre. Deal qui a structuré la vie
économique et sociale des quotidiens nationaux jusqu’à ce jour…
C’est avec cette anecdote qu’Emmanuel Schwartzenberg, chroniqueur médias
à France Info, ouvre l’excellent ouvrage qu’il vient de rédiger,
décrivant et analysant avec précision la mort lente et programmée de
cette presse née dans la Résistance.
Il décrypte cette dérive à travers l'organisation de la distribution, le développement de la publicité,
l’arrivée des gratuits, puis du web, sans omettre la propre
responsabilité des journalistes dans cette histoire.
L’histoire de la presse est un bon indicateur de l’état de la démocratie dans un pays.
Lisez ce livre, ça vaut vraiment le coup. Même si parfois l’auteur
laisse percer un anti-cégétisme évident. Schwartzenberg fut pendant
près de dix ans responsable de la page Médias-Publicité du Figaro…
Il n’empêche, son travail est sérieux et ne manque guère de rigueur. L'auteur précise, par exemple, qu'une partie des responsables syndicaux du Livre, n'ont pas fait ce sale boulot, parce qu'engagés dans la lutte contre l'occupant nazi.
Spécial dernière
Qui veut la mort de la presse quotidienne française ?
Emmanuel Scwartzenberg
Calmann-Lévy, 18 euros.
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