Ne nous voilons pas la face. Les vociférations des parlementaires UMP et du patronat à l'encontre du projet de loi initialement porté par Benoît Hamon, ne sont qu'un écran de fumée qui n'aura servi qu'à rendre encore plus timides les élus de la majorité PS dans le déploiement d'un économie alternative et coopérative. La disparition du ministère dédié à l'économie sociale et solidaire (ESS), au profit d'une délégation de seconde zone, en dit long sur l'importance de l'ESS aux yeux de Messieurs Hollande et Valls.
Le monde des « sociétes coopératives et participatives », les SCOP, s'en retrouve flatté... et défait.
Flatté, car jamais depuis le programme du Conseil national de la Résistance, un gouvernement n'avait autant affirmé son soutien aux coopératives.
Défait, parce qu'au bout du compte, les principes de la démocratie sociale sont foulés au pied et les moyens de développement ridicules au regard des besoins.
La première déconvenue apparaît dès la lecture de l'article 1 de la loi qui entend définir le périmètre de l'économie sociale et solidaire : la citoyenneté d'entreprise, pilier de la démarche coopérative incarnée par la devise « une personne égale une voix », en est absente, au profit de la vague notion de « gouvernance démocratique et participative ». La question des statuts, qui ne sont, à nos yeux, qu'un garde-fou et non une solution à tout, se trouve ainsi rayée de la carte. Le Conseil économique, social et environnemental, avait pourtant "considéré que ce sont les statuts qui définissent le périmètre de l’ESS."
La deuxième mauvaise nouvelle surgit à la lecture de l'article 11, censé faciliter la reprise par les salariés de leur entreprise sous forme coopérative. Les salariés seront donc informés, deux mois avant la cession, du projet des actionnaires. Mais aucune contrainte ne sera imposée aux propriétaires de l'entreprise, à la différence de la proposition du Front de Gauche, dont les élus ont présenté un amendement visant à inscrire dans la loi un véritable droit de préemption, donnant priorité absolue aux salariés candidats à la reprise.
Enfin, encore faut-il que les moyens soient donnés aux travailleurs de prendre leurs affaires en main. Là encore, le compte n'y est pas. Le projet de la loi prévoit bien un dispositif d'amorçage », qui permettrait à des investisseurs extérieurs d'entrer majoritairement au capital de l'entreprise pendant une période limitée, alors que les salariés conserveraient 65% des droits de vote. Mais les cas d'investisseurs, prêts à ressortir du capital une fois que tout va bien risquent d'être bien limités...
Il eut mieux valu que l'Etat impulse de ses propres moyens financiers la création ou à la reprise de sociétés coopératives d'intérêt collectif (SCIC). Tout au contraire, le gouvernement a baissé son budget de soutien à l'ensemble des composantes de l'ESS, passant de 5,08 millions d'euros en 2013 à 4,82 millions en 2014. Les 500 millions fléchés vers l'ESS par la BPI sont un bien maigre cadeau, eu égard aux largesses consenties aux entreprises du CAC 40.
Les coopératives de production et de consommation peuvent être un levier essentiel de la reconversion écologique de l'économie industrielle et artisanale. Le gouvernement en a décidé autrement.
Tribune parue dans l'Humanité du 14 mai 2014.
Social, économie sociale et solidaire