Le Sommet des peuples a rassemblé des dizaines de milliers de militantes et de militants à Rio, en parallèle de la conférence officielle de l'ONU. Photo: João Zinclar (Açao Juventude)
Zéro pointé. Le bilan de la Conférence des Nations-Unies sur le développement durable, qui s'est achevée vendredi dernier à Rio, est calamiteux.
La déclaration finale adoptée par les 191 pays représentés est certes gavée de bonnes intentions : lutte contre la pauvreté, changement des modes de production et de consommation, nécessité de la coopération internationale, impératifs démocratiques...
Mais face à l'urgence écologique et sociale, pas un seul engagement chiffré n'a été pris, ni sur le plan économique et financier, ni méthodologique, ni en termes de calendrier. On pourrait dire que le compte n'y est pas. C'est pire : il n'y a pas de compte.
Cette quasi-totale absence de mesures contraignantes entérine l'abandon par les États du combat pour la survie de l'humanité sur notre planète. Leurs représentants ont remis les clés de la maison-terre à la finance internationale.
Un joli coup médiatique orchestré par un gouvernement brésilien, qui tend une fois de plus la main aux marchés. Après avoir négocié son texte directement avec les pays du G20 plutôt qu’avec ceux de l’ONU, le Brésil – qui maîtrise l’agenda diplomatique de la Conférence – a imposé ce texte, qui précise notamment qu'il ne pouvait s'agir « d'un ensemble de règles strictes ». Barack Obama et Angela Merkel n'ont pas à regretter de ne s'être pas déplacés à Rio : Dilma Rousseff, la présidente brésilienne, a fait le boulot à leur place.
La question de l'eau est symbolique de ce qui s'est passé à Rio le droit universel à l'accès à l'eau n'est même pas mentionné dans la déclaration. Les Etats-Unis, la Chine, le Brésil et quelques autres ont mis une telle pression, qu'un tour de passe-passe a abouti au retour à la souveraineté nationale pour la gestion de l'eau.
Les lobbies industriels, pétroliers et financiers ont joué à plein. Ils ont littéralement pris le contrôle d’une partie des négociations. Ce sont leurs principes et leurs demandes qui sont aujourd’hui reprises en grande partie dans le texte de la conférence.
La majorité des ONG parties prenantes du processus onusien se sont désolidarisées du document final. Elles ne l'ont pas signé, ont vivement protesté mais n'ont pas osé quitter le sommet, ce qui aurait sans nul doute donné plus de poids à leur mécontentement. Comme si leurs dirigeants craignaient de n'être dès lors plus invités aux tables de négociations dans les plus hautes sphères étatiques. Comme s'ils ne se rendaient pas compte que cette intégration institutionnelle les prive de leur autonomie et les rend d'une certaine manière complices de la financiarisation et du « greenwashing ».
De leur côté, le gouvernement français et l’Union européenne ont capitulé. François Hollande parle d’un « pas dans la bataille de l’environnement ». S'il y a bien eu des avancées au cours des vingt dernières années, force est de constater qu'à Rio+20, le buen vivir a fait deux pas en arrière ! La conférence est à nouveau un échec pour créer l’Organisation Mondiale de l’Environnement et, surtout, l’économie verte est définie comme celle qui permettra au capitalisme de poursuivre la prédation sur l’environnement. Au même moment, l'éviction de Nicole Bricq du ministère de l'Ecologie par Jean-Marc Ayrault est un mauvais signe pour les écologistes que nous sommes. Celle-ci avait eu le malheur de vouloir résister aux sociétés pétrolières et ne voulait notamment pas donner un blanc-seing à Shell pour ses permis d’exploitation au large de la Guyane.
Il reste à nous retrousser les manches en participant activement aux mouvements sociaux et environnementaux, pour les droits universels d’accès à l’eau à la souveraineté alimentaire, au logement, et pour la reconnaissance des droits sociaux pour tous, la nécessité de changer nos modes de production et une économie au service de l’Humain d'abord et non assujettie aux logiques de profit.
Le rapport de forces se reconstruit aussi dans le développement des alternatives concrètes sur les territoires : régies publiques de l'eau, coopératives locales de production d'énergie, monnaies sociales... autant de laboratoires qui montrent chaque jour qu'un autre monde est possible.
A l'échelle nationale, nous poursuivrons notre bataille pour la mise en œuvre d'une planification écologique, qui devra prendre la forme d'un processus démocratique ascendant et descendant, des territoires au sommet de l'Etat.
Tout en menant le combat au plan européen, nous voulons faire de la France une exemple en matière de rupture avec le productivisme et de pratiques politiques alternatives.
Répondre aux urgences et œuvrer pour le long terme. Voilà le défi qui nous attend. Je ne doute pas que le Front de Gauche saura le relever. C'est sa responsabilité. Aucune autre force politique n'est aujourd’hui engagée dans cette voie autonome et porteuse d'une dynamique populaire.
[Billet paru dans Cerises]
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