Le film sera disponible disponible en DVD dès la mi-février.
J'étais invité hier soir à la fac d'Evry à un débat organisé par les étudiants de l'association UFR0 autour du film de Mariana Otero "Entre nos mains". Un documentaire magnifique qui raconte l'histoire des salariés de l'entreprise de lingerie féminine Starissima qui ont tenté reprendre leur usine en faillite sous forme de coopérative. L'hsitoire finit sur un échec. Et pourtant les ouvrières et les ouvriers, mais aussi les cadres, sortent transformés par ces quelques mois de débat, de partage, de doutes et d'enthousiasmes mêlés. Au fond ce n'est pas un échec pour eux, mais une séquence inoubliable et transformatrice de leur parcours professionnel et humain.
Happy end
La salle, composée majoritairement d'étudiants, a interpellé la réalisatrice sur les conditions du tournage. Celle-ci a témoigné des dificultés qu'elle rencontre depuis toujours à pénétrer dans le monde de l'entreprise. "Plus que dans les prisons", a-t-elle précisé. Mariana Otero nous a aussi raconté que c'était les salariés eux-mêmes qui ont tenu à construire une scène finale enjouée et porteuse d'espoir. Je vous laisse en découvrir la teneur.
Daniel Bachet, enseignant-chercheur en sociologie du tavail à Evry, a brillamment déroulé la nécessité de repenser les rapports capital-travail et montré que la coopérative est un outil privliégié pour les salariés de s'approprier la société liée à leur entreprise, c'est à dire d'être propriétaire du capital et des moyens de production. Il ajoutait en conclusion qu'il ne suffiraita pas de multiplier les SCOP pour changer de monde.
Je n'avais pour ma part plus qu'à raconter mon histoire, enfin notre histoire. Celle des hommes et des femmes qui se lancent dans de telles aventures. Parce que c'est toujours mieux de faire ce que l'on désire faire, parce que cela sert d'exemple, à défaut de modèle, parce que cela redonne de l'espoir pour lutter contre les prédateurs et contre ceux qui sont convaincus que l'avenir dépend de quelques esprits plus brillants que les autres. Parce que cela redonne le goût du collectif contre l'individualisme ambiant du néo-libéralisme.
Je remercie au passage Romain Jammes et ses petits camarades d'UFR0 qui sont à l'initiative de cette soirée, qui s'inscrivait dans les événements qui accompagnent la tenue du Forum social mondial à Dakar.
J'ai été ému tout au long de la projection, ne pouvant m'empêcher de retrouver, dans les expressions...
Aujourd'hui, au-delà du souci quotidien de faire tourner la boîte, de maintenir une veille sur les innovations –nous sommes une école de formation aux métiers des médias–, ma plus grosse inquiétude, en tant que co-fondateur, est que nous n'avons pas su transmettre les valeurs coopératives aux collègues que nous avons recrutés ces dix dernières années. La coopérative a été créée en 1995, suite au dépôt de bilan de l'association qui gérait l'école depuis 1982. Bien-sûr nos jeunes recrues nous disent, surtout pour celles et ceux qui ont déjà travaillé dans une entreprise "normale", que c'est plus sympa, que, même si on travaille beaucoup, les conditions de travail ne sont pas trop mauvaises. Et surtout chacun reconnaît qu'il dispose d'une rare autonomie dans les responsabilités qui lui sont confiées.
Je vous épargne les propos de ceux qui verraient d'un bon œil un coup de torchon visant à se débarrasser de ceux qui sont moins productifs, moins jeunes, moins offensifs, moins compétents... A l'évidence ils n'ont pas compris notre projet et sont pourtant sociétaires. C'est clair: je ne laisserai pas faire cela, alors que bon nombre des autres sociétaires ont compris, parfois inconsciemment, qu'on était un lieu de résistance sociale et que ça passait aussi par la sauvegarde solidaire des emplois. Déjà en 1993, alors que l'école allait très mal, on n'a pas eu comme idée de chercher qui on allait virer. Nous avosn tous réduit nos salaires de 10%... On n'en est pas là, mais ça a été uen belle leçon de solidarité choisie.
Avoir du boulot, c'est déjà pas mal...
Mais peu s'emparent du projet coopératif comme une raison essentielle de travailler chez nous. La plupart y ont trouvé un emploi, ils trouvent ça déjà pas mal. Il n'y a pas à dire, on a raté, grosso modo depuis 2000, la transmission.
Pour ma part, il y a trois raisons qui font que je travaille dans cette école:
• J'aime les métiers auxquels elle prépare et perfectionne, ceux de l'information;
• J'adore transmettre des connaissances, j'ai d'ailleurs été dans une première vie professionnelle instituteur et éducateur;
• Je suis animée par l'idée de tenter ici et maintenant de vivre le pouvoir partagé et la justice sociale... ce que je qualifie volontiers "d'utopie concrète".
L'école a grandi, nous étions moins de dix il y a quinze ans, nous sommes plus de vingt, sans compter la centaine d'enseignants vacataires. Nous jouons maintenant dans la cour des grands, accompagnant dans leur mutation vers le web les principaux groupes médias de France et bientôt la quasi-totalité de nos parcours qualifiants seront validés par des certifications d'Etat. Et ça tangue. Les pouvoirs publics, en particulier l'Etat, se désengagent de la professionnelle continue, en particulier dans les métiers de la culture, de la communication et de l'information.
Nous sommes à un tournant. Il y a, très schématiquement, deux solutions, deux manières de poursuivre notre aventure: on fait un tour de table financier, on réduit la voilure en termes de masse salariale (j'adore l'expression;-) et on compte sur le dynamisme de quelques individus particulièrement dynamiques et ambitieux... soit on retrousse nos manches et on s'appuie sur notre intelligence collective pour sortir de ce moment difficile, tous ensemble...
A la fin du mois, nous avons notre assemblée générale annuelle. Ce sera l'heure des choix. Je vous raconterai.
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