Aujourd'hui a lieu la remise des Trophées de l'entreprise sociale, organisées par la Tribune et BNP Paribas, avec le soutien du groupe SOS, acteur puissant de l'économie solidaire... de Benoît Hamon et de la Ville de Paris.
« A travers ces trophées, La Tribune et BNP Paribas veulent distinguer des réalisations, mais aussi des hommes, ceux-là même qui font avancer l'économie responsable » écrivent-ils sur leur site.
Sans faire référence explicitement à l'économie sociale et solidaire, les organisateurs citent parmi les structures qu'ils souhaitent distinguer les « structures coopératives et mutualistes, entreprises d'insertion, commerce équitable, organismes de micro-finance, entreprises sociales au statut juridque classique (SAS…). »
Cette liste à la Prévert montre à quel point ils se moquent du statut et du fonctionnement de celles-ci. Pourvu qu'elles aient une activité « à caractère social ou solidaire », cela suffit à satisfaire leur projet. Mais où est le problème, me direz-vous! C'est simple, vous répondrais-je. Pour nous autres, partisans d'une économie sociale et solidaire porteuse d'émancipation, le principe d'une citoyenneté active au sein de nos structures est aussi important que la finalité, fut-elle solidaire et écologique, de nos activités. Bref la règle « une personne égale une voix » est pour nous un garde-fou, certes sans garantie absolue de réussite, contre les dérives anti-démocratiques et contre la gourouïsation de nos collectifs.
C'est pourtant la négation de l'importance des statuts et du fonctionnement interne qui fait l'originalité de la démarche du courant social-libéral de l'ESS, incarné par le Mouves (Mouvement des entrepreneurs sociaux). La meilleure illustration par la pratique de ce courant se retrouve dans nombre d'entreprises d'insertion par l'emploi, qui limitent leur ambition à redonner du boulot à des chômeurs. Ce qui est déjà formidable, mais qui, somme toute, est tout simplement uen version modernisée des bonnes œuvres caritatives. On aide les pauvres... On verra plus tard s'ils sont capables de devenir des citoyens à part entière.
Je suis moi-même co-président d'une régie de quartier et je considère que l'insertion par l'activité économique, que nous mettons en œuvre chaque jour, n'est qu'un des leviers permettant à des personnes au chômage depuis longtemps de retrouver leur dignité. Nous remarquons chaque jour que chacun-e est capable d'avoir un avis pertinent sur la marche du monde et de la cité. Sans attendre.
Il n'est donc pas étonnant de trouver BNP Paribas et la Tribune, journal néo-libéral par excellence, se redorer le blason en soutenant l'entrepreuneriat social, représenté à l'occasion de ces Trophées par Jean-Marc Borello, le brillant dirigeant fondateur à la fois du groupe SOS et du Mouves. Sans doute pour lui, tout argent est-il bon à prendre... Tout cela n'est pas si étonnant quand on sait que le projet du Mouves n'est pas de dénoncer les règles de la "compétitivité", mais de s'y inscrire.
Pour ma part, je trouve que le prix à payer pour social-green-washer BNP Paribas est bien trop élevé. Je n'irai pas solliciter, pour une action aussi symbolique qu'est la remise d'un prix « éthique », d'autres financeurs que les pouvoirs publics ou les organismes bancaires de l'économie sociale et solidaire.
C'est pourquoi je regrette profondément que notre ministre de l'ESS aille parrainer une telle opération, qui déconsidère le projet éthique de l'économie sociale et solidaire. Je ne suis pas moins déçu par la présence de Pauline Véron, adjointe chargée de l'ESS à la Ville de Paris.
A l'occasion de la remise des prix, BNP Paribas et la Tribune organisent aujourd'hui un débat intitulé «L’économie sociale et solidaire : une voie de sortie de crise ? ». Ils veulent sortir de la crise dans le capitalisme. Nous voulons sortir du capitalisme.
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François, merci à toi pour cette clarification des enjeux, et pour disperser l'écran de fumée autour de cette remise de prix.
Rédigé par : Stéphane Leroy | 25 janvier 2013 à 10:24