Voici l'intervention que j'ai prononcée samedi dernier lors de la Convention nationale du Parti de Gauche. Elle s'inscrit dans le débat programmatique auquel j'ai participé, pour notre sensibilité, au sein d'un groupe de travail “Programme”, animé par Claude Debons et Jacques Rigaudiat. J'y aborde donc un point qu'il m'a paru important de développer et qui est constituant de la culture des courants alternatifs et autogestionnaires.
A ce jour, il y a donc plus de trois cents anciennes et anciens Verts qui ont rejoint le PG.
“Au nom de toutes et tous les camarades de Gauche écologiste, je dois vous dire à quel point nous sommes heureux d'être parmi vous pour construire ensemble une nouvelle gauche écologiste et sociale.
Ca
a été un véritable plaisir de travailler ensemble sur ce
manifeste, de réfléchir et d'imaginer notre avenir commun dans la
même organisation politique.
Déjà
nous nous sommes croisés dans les luttes, contre la privatisation de
la Poste, contre l'aéroport de Notre-Dame des Landes, pour l'école
publique, pour les droits des femmes, pour lutter contre toutes les
discriminations et pour soutenir les travailleurs et les
travailleuses en lutte et plus particulièrement les sans-papiers des
restaurants parisiens, dont nous exigeons la régularisation
immédiate et sans appel.
Mais je voudrais prendre quelques minutes pour évoquer une démarche qui traverse l'ensemble du notre manifeste en chantier. A un endroit, on y évoque la démocratie dans les mouvements, comme des graines que nous semons pour préparer le monde de demain... ailleurs on y défend les formes coopératives, associatives, autogestionnaires, comme autant d'outils d'appropriation sociale aux côtés de la nécessité de redonner à la puissance publique tous les moyens d'œuvrer pour le bien commun
Ces pratiques de résistance et de construction d'espaces de création et de production, c'est ce que nous appelons les alternatives concrètes...
Alternatives,
parce qu'elles dessinent, souvent à petite échelle, les contours de
nouveaux modes de production et de consommation. Sur les plans de la
démocratie, de l'égalité, de la réduction des distances de
transport à la finalité de la production, tout s'expérimente
aujourd'hui. Bref une esquisse d'un autre monde.
Concrètes, parce qu'il s'agit d'actions et de pratiques, le plus souvent collectives, qui provoquent des changements, partiels certes, ici et maintenant.
Je
me souviens des ouvriers de Lip, qui, en 1973, lâchés par leur
patron, décident de reprendre la production dses montres: “On
fabrique, on vend; on se paie”. C'était une belle leçon qui
démontrait à la face du monde les ressources inépuisables de
l'imagination populaire.
Il
y a bientôt dix ans, au cœur de la crise qui dévaste l'Argentine,
des dizaines d'usines sont réappropriées par les travailleurs qui
s'organisent en coopératives, s'emparant de l'ensemble des activités
des entreprises, de la production bien-sûr, mais aussi de la gestion
et du commercial. Toutes les décisions stratégiques y sont prises
en assemblée générale.
C'est
important de maîtriser la finalité de son travail!
Les
exemples de la sorte fourmillent depuis 150 ans dans l'histoire du
mouvement ouvrier.
Et
je vous glisse au passage l'intérêt de trouver dans notre manifeste
des références à nos héritages historiques. Car c'est aux
courants libertaires que nous devons le développement des sociétés
de solidarité, des mutuelles et des coopératives dès la fin du 19e
siècle. C'est à eux que nous le devons...
Nous voulons être un parti creuset, nous voulons prendre ce qu'il y a de meilleur dans la gauche, c'est parfait. Il nous faudra alors assumer ce qu'il y a eu de moins bon, nous avons aussi un devoir d'inventaire. Et l'histoire de nos sensibilités actuelles, des courants et organisations auxquels nous appartenions hier, ne remonte pas aux dix dernières années!
Aujourd'hui aussi, dans le monde, en France, des travailleurs décident de s'organiser en coopérative. Même si aujourd'hui il n'y a guère que 30 000 salariés qui y travaillent, c'est un laboratoire exceptionnel de la démocratie sociale. Bien-sûr, tout n'est pas rose dans les SCOP, mais je vous avoue que je préfère être exploité par moi-même que par un patron qui s'en met plein les poches et bafoue tous les jours les droits des travailleurs!
D'autres expériences nous intéressent aussi, comme celles des AMAP (Associations pour le maintien d'une agriculture paysanne), qui mettent en lien des usagers consommateurs et des agriculteurs d'une même région se développent à une vitesse grand V dans le pays. Ils tentent ainsi de tisser de nouveaux liens entre producteurs et consommateurs avec le souci des circuits courts, c'est à dire de limiter au maximum les distances de transports. C'est une alternative au productivisme agricole et c'est bien du concret!
Les alternatives concrètes, on les trouve aussi au sein des institutions: je pense en particulier aux mouvements d'éducation populaire, au mouvement Freinet et aux lycées autogérés agissant au cœur de l'institution scolaire, non sans souvent devoir se battre pour exister et poursuivre les aventures et les expériences...
Je pourrais aussi évoquer la démocratie au sein des forces politiques, entre les courants de gauche, rappelez-vous aussi tous les débats au sein de l'Espagne républicaine sur la manière de prendre les décisions collectives... Notre tâche est immense ausi pour construire ensemble un parti respectueux de la personne, de la parole de chaque femme et de chaque homme... Construire ensemble, être à 'écoute des autres, c'est déjà résister à la contre-révolution conservatrice et individualiste en marche. Tous ces fronts de l'alternative concrète, dans les luttes (je pense aussi à Droit au logement à la Confédération paysanne...) comme dans les mouvements de l'économie sociale et solidaire ou de l'éducation populaire, nous devons y être comme des poissons dans l'eau, en osmose, à l'écoute, en réseau.
Le Parti de gauche doit être l'un de leurs interlocuteurs privilégiés. Parce que, je l'ai déjà dit, ils sont des laboratoires de nouveaux modes de production et de consommation. Parce qu'un secteur puissant de l'économie sociale et solidaire appuiera fortement, parce que sa logique n'est pas celle du profit, les politiques publiques que nous voudrons mener.
Salut,
Pas mal le coup des "alternatives concrètes"!
Mais tu crois possible une révolution des petits pas, sans changement radical du système??
Comment ne prends-tu pas le risque d'engluer les gens dans de l'expérimentation locale et/ou sectorielle?
Rédigé par : Ivan | 12 décembre 2009 à 15:50
D'après une vieille barbe, un mode de production nouveau ne pouvait naître qu'à partir du moment où les bases matérielles de celui-ci étaient déjà nées des entrailles de l'ancien monde.
Bref, d'abord le grignotage du féodalisme par les pratiques économiques bourgeoises, rendant la prise de pouvoir politique possible (1789, 1793).
Aujourd'hui, comme le dit François, il nous faut reconstruire ces bases matérielles "anti-capitalistes" et écologiques, par le développement de la gratuité, les scop, les services publics, le tiers-secteurs, les régies publiques, les amap... qui associent remise en cause de la seule propriété privée par des formes de socialisation partielle d'état, régionale, municipale, associative...) et par l'autogestion, la participation démocratique (des usagers, des travailleurs/producteurs...).
Ce qu'on pourrait appeller "empowerment" à la suite d'Holloway.
C'est sur la base de ces pratiques alternatives qu'il sera possible éventuellement de généraliser une nouvelle légalité qui remettra en cause la dictature de la propriété privée des multinationales sur la marche du monde.
Rédigé par : Elysée Perclus | 13 décembre 2009 à 10:05